Bonne poire

1er janvier

Ma quinzaine à Melbourne a payé ses fruits et j’ai pu mettre en branle la machine à faire rêver. Je compte bien vous en faire profiter les copains mais pour l’instant c’est plus de cauchemars dont je vais vous parler…

Ayant quelques semaines à tuer avant de traumatiser la faune locale je me suis dirigé vers l’activité privilégiée des détenteurs d’un visa vacance/travail : rechercher un poste dans une ferme.

La destination idéale dans l’état du Victoria pour ce genre de projet est la ville de Mildura, le long de la rivière Murray qui marque la frontière avec l’état de la Nouvelle-Galles du Sud.

Suivez les pélicans.

Suivez les pélicans.

L’Australie c’est grand, mais alors très grand. Pour aller d’un bout de l’état à l’autre il faut facilement se cogner cinq cent bornes. Un trajet qui suffit à vous faire réaliser que ce n’est pas la taille qui compte. En cinq cent kilomètres à travers l’Europe vous en avez pour vos mirettes mais en Australie vous pourriez aussi bien avoir un poster collé sur la fenêtre de votre véhicule. Le paysage est d’une monotonie qui ferait passer la Champagne pour une région aux paysages diversifiés. Des centaines de milliers d’eucalyptus rabougris après Melbourne, je descend du bus à Mildura. Trente-huit degrés à l’ombre. Ça pique un peu… La région où la quasi totalité du pinard australien voit le jour se situe à la limite de l’outback, cette immense zone désertique qui compose l’essentiel du centre du pays.

Quelques minutes après mon arrivée, Serdar Donmez vient me chercher à la gare. Celui qui se fait appeler Don est ce que les australiens appelle un « contractor », ou du moins c’est ce qu’il prétend être… Il ne me faut pas longtemps pour me rendre compte que je viens d’offrir un joli petit paquet de pognon à un escroc de première catégorie. À force de trop m’habituer à la gentillesse maladive des australiens, je me suis fait avoir comme un débutant.

La manne importante que constitue l’abondance de jeunes étrangers à la recherche d’un petit boulot agricole représente un business colossal. Pour se faire une petite part dans cette montagne d’argent, certaines personnes se sont improvisés contractor ou ont créé les work hostel. Leur but et de mettre en relation les fermiers en manque de main d’œuvre avec les voyageurs en mal de travail, le service étant bien évidemment rémunéré. Ce genre de service est indispensable si vous n’avez pas votre propre moyen de transport ou que vous êtes eu peu limite en temps. Et bien entendu, comme à chaque fois que de l’argent est en jeu, il y a les malhonnêtes.

Cachés en pleine lumière.

Cachés en pleine lumière.

La situation à Mildura est la même que celle que j’avais pu observer en Nouvelle-Zélande. Il existe un code du travail très strict mais absolument personne ne l’applique. La situation des jeunes travailleurs étrangers en Australie approche souvent les aspects d’un esclavage moderne… Profitant abondamment du fait que beaucoup de jeunes voyageurs ne parlent pas anglais ou sont désespérément en manque d’argent, des fermiers et des contractors peut scrupuleux les font travailler dans des conditions parfois terribles. Ainsi Don (je ne m’attarderai pas sur ce triste personnage, une rapide recherche sur Internet vous suffira à en savoir plus sur ses méfaits) ne nous fourniras que deux jours de travail dans un verger où nous devrons cueillir des oranges dans des conditions dangereuses pour un salaire largement inférieur au minimum légal. Le tout avec un « service » payés à l’avance pour deux semaines…

Mais alors, si je m’étais déjà fait avoir en Nouvelle-Zélande, comment ai je pu tomber dans ce piège une nouvelle fois ? Et bien comme si l’attrait d’un travail ne nécessitant ni qualifications particulières ni engagement au long terme ne suffisait pas, l’Australie s’est dotée d’une combine efficace pour inciter les jeunes voyageurs à faire le sale boulot. Si vous passez quatre-vingt huit jours dans l’année à travailler dans le secteur agricole, votre visa est prolongé d’un an ! Vu les opportunités bien plus réjouissantes que peut facilement m’offrir ce pays, c’est une option qui m’a rapidement séduit. Mais bien entendu si Don n’est même pas foutu de me trouver un boulot, je ne suis pas prêt de valider ces fameuses journées…

Au final, me faire avoir par Don comme un débile m’aura permis de rencontrer une nouvelle pelletée de gens très sympa dont Paul, un allemand de dix-neuf ans, et Augustino, un chilien de vingt-six ans.

Souriant même dans l'adversité !

Souriant même dans l’adversité !

Avec ces deux joyeux lascars nous avons quitté notre traquenard pour un hôtel bien plus fréquentable. Notre trio international et improbable a vite attiré la sympathie de tous et notre efficacité a su séduire des fermiers plus honnêtes. Nous nous sommes ainsi retrouvés à recouvrir des vignes de bâches pour protéger le raisin des intempéries, désherber autour de pieds de citrouilles et nous passons d’une année à l’autre en cueillant des pastèques.

Dans notre nouveau chez nous la vie d’esclave agricole moderne est plus facile mais les mathématiques continuent à gérer notre vie. Après notre couteuse mésaventure on se retrouve à calculer le prix de la vie en heure de travail. Ainsi un pack de vingt quatre canettes de bière nous coute six heures de cueillette d’oranges, presque trois heures de pose de bâches ou deux de ramassage pastèques. C’est un exercice rigolo et je vais donc entamer l’année en vous offrant un petit problème à l’ancienne :

Sachant que pour le Boxing Day le pack de vingt-quatre est à moins vingt pour cent de son prix habituel et que nos héros ont jusque là cueilli des oranges pendant douze heures, posé des bâches pendant huit, et ramassé des pastèques pendant dix-huit, combien de canettes de bières vont ils pouvoir se payer le lendemain de l’anniversaire de Jean-Claude ? Vous avez un an.

 Bonne année les copains!

Bonne année les copains!

4 Réponses so far »

  1. 1

    Gagarinnn said,

    Bonne année copain ! Plein d’aventures passionnantes, de gens cool à rencontrer et pas trop d’arnaques pour ta pomme en 2015. Hate de lire la suite.

    Et pon annif aussi !

  2. 3

    arnaud et manue said,

    Bon année Rémi.


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