8 janvier
Après ce réveillon de foufous, nous sommes restés quelques jours de plus à Tokyo pour nous reposer. Nous en avons profité pour approcher un musée très controversé, le musée Yūshūkan (遊就館) à proximité du sanctuaire Yasukuni (靖国神社). L’histoire du Japon est entachée de nombreuses atrocités, notamment au cours de la seconde guerre mondiale. Le sanctuaire est dédié à la mémoire des soldats morts pour l’Empereur, parmi eux, plusieurs criminels de guerre… Ce qui est le plus révoltant c’est l’attitude habituelle du Japon à réfuter ou minimiser la gravité des crimes commis par ses ressortissants. C’est un sujet extrêmement sensible et je ne m’y attarderais pas trop. On est toutefois mis dans l’ambiance d’entrée de jeux avec une stèle commémorative érigée en 2005 à l’entrée du sanctuaire. Elle fait l’éloge du juge Radhabinod Pal qui fut le seul à n’accuser aucun suspect japonnais de crimes de guerre lors du Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient.
Radhabinod est un personnage complexe et ses écrits sont probablement toujours interdits à la vente dans de nombreux pays Alliés. À mon sens pourtant j’ai le sentiment que sa décision d’innocenter les bourreaux japonais venait surtout d’une volonté de critiquer le Tribunal. En y regardant de plus près, ce procès faisait un peu farce… Quoiqu’il en soit il reste un grand malade négationniste dont l’image sert à faire croire aux Japonnais qu’ils n’ont rien à reprocher à leurs ancêtres.
Nous ne sommes pas entrés dans le musée mais avons quand même pu admirer la première locomotive à avoir roulé sur la Voie ferrée de la mort reliant Bangkok à Rangoon. Sa construction par les Japonnais aura coûté la vie à plus de cent mille civils et prisonniers de guerre employés de force à sa construction…
Avant de quitter la capitale nous avons profité une dernière fois des amis de Charles qui furent des guides extraordinaires et des compagnons de beuveries exemplaires. Nous nous sommes réunis dans un karaoké en attendant notre bus de nuit pour Kyoto (京都市).
Kyoto fût la capitale de l’empire japonais pour la plus longue durée. À ce stade là vous l’aurez compris, il va falloir que je vous gonfle avec les grandes lignes de l’histoire du pays.
Tout commence sans que personne ne sache trop comment, mais beaucoup s’accordent à dire que les japonais préhistoriques sont essentiellement arrivés de Corée. Les premières traces de civilisation datent d’il y a quinze mille ans et il fallut attendre le troisième siècle après Brian pour qu’un clan « unifie » tout le pays à la mode coréenne. Il s’agissait des Yamato (大和民族), ancêtres de l’empereur actuel. Bien entendu les frontières du Japon étaient assez différentes de celles d’aujourd’hui mais les Yamato se donnèrent le titre d’empereurs et font par conséquent de bons personnages de début.
Les érudits du royaume de Paekche (rappelez-vous l’histoire de la Corée!) transmirent aux japonnais le bouddhisme et l’écriture, qu’ils avaient eux-mêmes acquis des chinois. Pour l’écriture ils auraient pu laisser les japonais se débrouiller car maintenant ils utilisent trois alphabets différents tous plus complexes les uns que les autres…
Une tradition Yamato rigolote voulait que la capitale du pays soit déplacée à la mort de chaque souverain. La première entorse à cette règle fût l’établissement d’une capitale stable et centrale à Heijō-kyō (平城京), l’actuelle Nara (奈良市), en 710. Les raisons pour lesquelles l’empereur décida à nouveau de changer de capitale après seulement soixante-quinze ans sont assez floues. Épidémie de variole, pas assez de place pour tout le monde, pouvoir grandissant des monastères bouddhistes, certains prétendent même qu’un moine aurait commencé à séduire l’impératrice!
Bref on installa la nouvelle capitale à Heian-kyō (平安京) en 794.
La cité s’appelle désormais Kyoto et est magnifique. Elle fût capitale pendant plus de mille ans, assez pour avoir le temps de construire une multitude de sanctuaires et de temples. Aujourd’hui la ville contient dix-sept sites classés à l’UNESCO et plusieurs centaines de temples et sanctuaires. L’ambiance est détendue et on n’y voit quasiment aucun gratte-ciel, les parcs et ruisseaux sont partout et on trouve un site historique à chaque coin de rue. Avec Aurélie et Charles nous avons couru dans tous les sens pendant de longues heures. Il faudra quand même qu’on revienne…
Après que Charles nous ait quitté, Aurélie et moi-même nous sommes offert un break à Nagano (長野市). Cette ville a surtout été rendue célèbre en France par Pierre Fulla. On y trouve pourtant autre chose que du brouillard, les montagnes avoisinantes abritent un animal endémique à l’archipel.
Le macaque du Japon est le singe qui vit le plus près d’une région polaire. De plus, son habitat privilégié est la montagne, par conséquent il a du s’adapter à une existence au contact de la neige. Or le Japon se situe sur la ceinture de feu et les sources d’eau chaude sont légion. Alors lorsque l’Homme se fait des piscines d’eau chaude en plein air, il n’y a pas de raisons que les macaques se privent d’en profiter. Au onsen de Jigokudani Yaen-kôen (地獄谷野猿公苑) on distribue même des graines aux singes pour s’assurer leur fidélité, un peu comme avec les oiseaux de nos jardins. Un côté de la vallée est réservé aux macaques et l’autre aux humains, sauf que les singes ne savent pas lire…
Après ce rafraichissement nous sommes retournés reprendre un peu de Kyoto avant de passer notre dernière journée nippone à Nara.
Nara c’est un peu Kyoto à taille humaine, mais ce qui choque c’est la présence quasiment partout de cerfs en liberté… Ils ne sont plus vraiment sauvages et la plupart apprécient les papouilles derrière l’oreille. Comme ils évoluent en totale liberté, les mâles ont les bois sciés à la base. Ça ne les empêches pas de se mettre des coups de boules et ils ont tous de belles cicatrices sur le crane et l’air un peu débile… On trouve un peu partout des bonnes femmes qui vendent des petites galettes de céréales à donner aux cerfs. Ça n’a pas empêché un petit salopiot de venir bouffer quelques unes de mes brochures touristiques!
Sinon ce qui est agréable c’est qu’on peut facilement voir l’essentiel de Nara en une journée. Comme l’histoire de la ville est principalement liée au bouddhisme, on visite surtout des temples. Le plus impressionnant d’entre eux renfermant un immense bouddha de bronze.