Archive for avril, 2012

Le soleil a rendez-vous avec la lune.

24 avril

Nouvelle collègue veut aussi dire nouvel article. Aujourd’hui je vous présente Lunja:

Enfin une collègue qui boit de la bière!

Lunja ne restera pas longtemps avec nous. Elle potasse pour l’équivalent allemand d’une licence. Pour obtenir son diplôme elle doit écrire un petit papier sur un sujet relatif à son domaine. Lunja a décidé de traiter de l’impact de l’hétérogénéité écopaysagère sur les populations sauvages d’oiseaux. Pour aller un peu plus loin elle veut pousser la comparaison entre deux pays. L’Allemagne, aux paysages plutôt homogènes, et la Roumanie, aux paysages plutôt hétérogènes. C’est pour ça qu’elle nous a rejoint dans notre petit bled roumain.

Mais quoi c'est y donc l'hétérogénéité écopaysagère?

Vous vous souvenez des petits hectares choisit aléatoirement pour l’étude d’Ine? Et bien en plus d’avoir été sélectionnés en fonction de la nature de leur exploitation, ils sont également choisis en fonction de leur hétérogénéité écopaysagère et de leur surface arborée. L’hétérogénéité c’est le mot savant pour diversité et ceux qui ne savent pas ce qu’est un paysage peuvent aller s’acheter un ticket de RER qui va plus loin que la zone 2… L’hétérogénéité écopaysagère désigne donc le degré de diversité qu’on peut observer dans un paysage donné. Exemple: Une parcelle de maïs a un degré d’hétérogénéité écopaysagère proche de zéro. Par contre si vous arrivez à faire tenir douze essences d’arbres, une quarantaine d’espèces de plantes, une rivière, un étang, une tourbière, une plage, un sommet enneigé et le vingtième arrondissement de Paris dans un hectare vous pulvérisez un record. Et vous fumez peut-être un peu trop…

Hétérogénéité écopaysagère moins trente-sept.

N’allez pas non plus croire que Lunja est juste venue battre la campagne roumaine tranquilou, oh que non. Pour mieux pouvoir remplir son papier elle a décidé de nous accompagner sur le terrain. Et c’est là que je vais pouvoir répondre à cette question que vous vous posez tous: « Mais à quoi donc passent-ils leurs journées? ».

Maintenant que nous avons nos cent cinquante petits hectares disséminés un peu partout, il va falloir en faire quelque chose. Mon boulot est d’identifier et compter les oiseaux qui ont choisi de s’y installer. Or sur un hectare on n’est pas vraiment sûr de pouvoir observer tous les oiseaux présents, surtout les plus petits. Mes yeux sont donc assez peu utiles ici. Par contre il me reste mes oreilles. Et comme on veut surtout noter la présence des oiseaux qui ont décidé de faire de notre hectare leur territoire, ces organes vont bien m’aider. En effet, lorsqu’un oiseau, même le plus petit, veut défendre son territoire, il s’y prend toujours de la même manière. Il hurle.

« DÉGAGE DE CHEZ MOI! »

Certain appelle ça un chant. Certain appelle Justin Bieber un chanteur. Maintenant que j’ai démontré que la notion de chant est très subjective j’en reviens à mon sujet.

Tous les jours, Ine, Cathy et moi-même partons chacun de notre côté et écoutons les pioupious sur cinq sites. On reste dix minutes sur chaque hectare pour identifier les protestations de chaque habitant à plume. Dis comme ça, ça peut paraître un peu compliqué. Pas tellement en fait. Certains emplumés sont si durs à identifier au plumage qu’on est bien content qu’ils ne parlent pas la même langue.

Je suis sûr que sans le son vous pensiez qu'il s'agissait du même piaf que sur la photo précédente.

Et puis il y a le problème du décalage horaire…

Quand on étudie un animal, il faut vivre comme l’animal. Alors mon nid n’est pas encore tout-à-fait au point, je vole aussi bien qu’un kiwi, je maitrise plutôt bien le chant d’amour de la casserole en rut et j’ai toujours un peu de mal à digérer les chenilles mais pour le reste ça va.

Le reste c’est le rythme de vie. C’est que brailler à tout va ça va un moment mais les oiseaux ne vont pas y passer la journée. Vers onze heure la plupart des emplumés n’ont plus de voix. Là vous vous dites qu’un type qui se plaint de finir le boulot à midi ferait mieux de la fermer. Sauf que ce type doit se retrouver tous les matins à l’aube sur le terrain. C’est que les oiseaux sont des lèves-tôt. Du coup le type se tape tout les matins une heure et demi de route de nuit pour aller écouter ses petits chanteurs accueillir le soleil avec joie. Alors critiquez autant que vous voulez mais moi je vais me coucher…

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Pics épiques, alcool et drame.

12 avril

 

Ine n’est pas seulement ma patronne, c’est un peu elle qui est en charge de tout ici. Tout c’est un grand projet qui prendra un peu de temps à vous expliquer. À me l’expliquer à moi même aussi d’ailleurs… Ce projet fait intervenir tout un paquet de gens et tout un paquet d’études adjacentes. Pour essayer de faire simple je vais vous les faire petit à petit.

Commençons par Ine.

Ine, comme vous vous en doutez, est une biologiste. Une biologiste marine pour être plus précis… « Mais que vient donc faire une biologiste marine en plein milieu de la Transylvanie? » me direz-vous. Et bien étudiez les oiseaux évidemment! J’espère que vous êtes aussi perdus que moi…

Bon en gros le projet central sur lequel nous travaillons vise à étudier les répercussions des changements de pratiques agricoles sur la biodiversité locale. Simple non? Pour cela il faut s’attaquer à un bon paquet de domaines, y compris la sociologie! J’y reviendrai ça changera un peu.

En attendant revenons à la trame de cet article, aussi appelée Ine. Notre boss a écopé de l’ornithologie. Vu son expérience dans ce domaine elle a donc fait appel à deux professionnels à la renommée internationale: Cathy et moi.

J'ai bien le droit de me la péter un peu non?

Si Ine s’est retrouvée dans cette étrange situation, il faut dire que c’est un peu par choix. Elle fait partie de ces gens bizarres qui sont intéressés par tous les domaines de la biologie et ne sont pas fichu de se résoudre à se spécialiser. Ainsi, parmi toutes les offres de doctorats qui lui était proposées, elle a choisit délibérément son poison. Enfin, n’allez pas croire qu’elle s’en plaint. D’autant plus qu’elle en rajoute! Si j’ai bien tout compris, elle accumule différents projets.

Comme j’étais en avance sur celui pour lequel j’ai été embauché, je lui ai filé un coup de main bénévole sur un autre.

La campagne roumaine offre l’opportunité d’étudier un écosystème qui a quasiment disparu d’Europe occidentale. Un paysage qui s’est tellement raréfié que je n’ai pas pu trouver son nom en français. En anglais on appelle ça:

« Wood pasture »

Je les appellerai « pâturages arborés » pour l’instant. Il s’agit de prairies, habituellement de tailles moyennes, sur lesquels ont été plantés ça et là quelques arbres. Outre procurer de l’ombre aux troupeaux et à leurs berger, ses arbres, le plus souvent d’énormes chênes, sont également exploités pour le bois de construction, leurs fruits, ou le charbon de bois. Or ces pâturages tendent à disparaître depuis la modernisation des pratiques agricoles roumaines. Du coup l’essentiel de l’effort de recherche en Transylvanie vise à évaluer le potentiel écologique de tels milieux. Pour ce faire Ine et ses collègues ont, entre autre, décidé d’utiliser différentes espèces de pics comme témoins.

J'appelle le pic épeiche à la barre!

Et c’est là que j’interviens. Avec les collègues on parcourt les pâturages et les forêts à l’écoute des marteleurs. On les incite aussi un peu à pousser la chansonnette en diffusant le chant de leurs copains à la ronde. Le but est d’obtenir des données permettant une comparaison entre les populations forestières et celles des pâturages arborés.

Pendant ce temps là Ine prépare le terrain pour le gros du boulot qui nous attend. Plusieurs échantillons de campagnes, chacun d’une surface circulaire d’un hectare, ont été sélectionnés aléatoirement par un programme informatique à partir de photographie prises par satellite. Pour son étude, Ine a besoin d’échantillon de forêts, de pâturages et de terres arables. Pour ces deux derniers il lui en faut un qui soit associé à une culture en openfield et l’autre à une culture bocagère. La différence entre les deux étant que les échantillons de bocage doivent intégrer une haie ou un bosquet.

À vous de trouver de quel échantillon il s'agit.

Comme on ne peut jamais faire totalement confiance aux ordinateurs, Ine parcourt la campagne à bord d’un de nos gros 4×4 Dacia Duster dans le but de vérifier que les échantillons sélectionnés correspondent bien à ses désirs. Une forêt à pu être coupée depuis la dernière photo satellite, ou un pâturage peut commencer à être cultivé. Or avec les dernières pluies diluviennes, on ne pouvait pas passer à côté d’un mini drame. Même nos gros bolides n’ont pas su maitriser la boue roumaine et après une demi cabriole nous voici amputés d’une de nos voitures. Heureusement il y a eu plus de peur que de mal.

Et puis pendant qu’Ine joue les cascadeuses, Cathy et moi révisons. Évaluer un hectare avec précision n’est pas une chose aisée. L’idéal est d’arriver à déterminer tout ce qui se trouve à moins de cinquante six mètres de soi. Pour s’y entrainer nous avons trouvé un petit jeu rigolo, mais le mieux est que je vous explique en image:

Bon bien entendu si on se plante on boit… Bref je vous laisse préparer vos commandes de GPS de précisions pour votre prochain Noël et je retourne réviser…

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