24 avril
Nouvelle collègue veut aussi dire nouvel article. Aujourd’hui je vous présente Lunja:
Lunja ne restera pas longtemps avec nous. Elle potasse pour l’équivalent allemand d’une licence. Pour obtenir son diplôme elle doit écrire un petit papier sur un sujet relatif à son domaine. Lunja a décidé de traiter de l’impact de l’hétérogénéité écopaysagère sur les populations sauvages d’oiseaux. Pour aller un peu plus loin elle veut pousser la comparaison entre deux pays. L’Allemagne, aux paysages plutôt homogènes, et la Roumanie, aux paysages plutôt hétérogènes. C’est pour ça qu’elle nous a rejoint dans notre petit bled roumain.
Vous vous souvenez des petits hectares choisit aléatoirement pour l’étude d’Ine? Et bien en plus d’avoir été sélectionnés en fonction de la nature de leur exploitation, ils sont également choisis en fonction de leur hétérogénéité écopaysagère et de leur surface arborée. L’hétérogénéité c’est le mot savant pour diversité et ceux qui ne savent pas ce qu’est un paysage peuvent aller s’acheter un ticket de RER qui va plus loin que la zone 2… L’hétérogénéité écopaysagère désigne donc le degré de diversité qu’on peut observer dans un paysage donné. Exemple: Une parcelle de maïs a un degré d’hétérogénéité écopaysagère proche de zéro. Par contre si vous arrivez à faire tenir douze essences d’arbres, une quarantaine d’espèces de plantes, une rivière, un étang, une tourbière, une plage, un sommet enneigé et le vingtième arrondissement de Paris dans un hectare vous pulvérisez un record. Et vous fumez peut-être un peu trop…
N’allez pas non plus croire que Lunja est juste venue battre la campagne roumaine tranquilou, oh que non. Pour mieux pouvoir remplir son papier elle a décidé de nous accompagner sur le terrain. Et c’est là que je vais pouvoir répondre à cette question que vous vous posez tous: « Mais à quoi donc passent-ils leurs journées? ».
Maintenant que nous avons nos cent cinquante petits hectares disséminés un peu partout, il va falloir en faire quelque chose. Mon boulot est d’identifier et compter les oiseaux qui ont choisi de s’y installer. Or sur un hectare on n’est pas vraiment sûr de pouvoir observer tous les oiseaux présents, surtout les plus petits. Mes yeux sont donc assez peu utiles ici. Par contre il me reste mes oreilles. Et comme on veut surtout noter la présence des oiseaux qui ont décidé de faire de notre hectare leur territoire, ces organes vont bien m’aider. En effet, lorsqu’un oiseau, même le plus petit, veut défendre son territoire, il s’y prend toujours de la même manière. Il hurle.
Certain appelle ça un chant. Certain appelle Justin Bieber un chanteur. Maintenant que j’ai démontré que la notion de chant est très subjective j’en reviens à mon sujet.
Tous les jours, Ine, Cathy et moi-même partons chacun de notre côté et écoutons les pioupious sur cinq sites. On reste dix minutes sur chaque hectare pour identifier les protestations de chaque habitant à plume. Dis comme ça, ça peut paraître un peu compliqué. Pas tellement en fait. Certains emplumés sont si durs à identifier au plumage qu’on est bien content qu’ils ne parlent pas la même langue.
Et puis il y a le problème du décalage horaire…
Quand on étudie un animal, il faut vivre comme l’animal. Alors mon nid n’est pas encore tout-à-fait au point, je vole aussi bien qu’un kiwi, je maitrise plutôt bien le chant d’amour de la casserole en rut et j’ai toujours un peu de mal à digérer les chenilles mais pour le reste ça va.
Le reste c’est le rythme de vie. C’est que brailler à tout va ça va un moment mais les oiseaux ne vont pas y passer la journée. Vers onze heure la plupart des emplumés n’ont plus de voix. Là vous vous dites qu’un type qui se plaint de finir le boulot à midi ferait mieux de la fermer. Sauf que ce type doit se retrouver tous les matins à l’aube sur le terrain. C’est que les oiseaux sont des lèves-tôt. Du coup le type se tape tout les matins une heure et demi de route de nuit pour aller écouter ses petits chanteurs accueillir le soleil avec joie. Alors critiquez autant que vous voulez mais moi je vais me coucher…