Archive for Corée du Sud (2011)

L’élégant petit canard.

21 décembre

C’est sous la neige que j’ai quitté Heuksando pour rejoindre Séoul où je suis repassé voir celle qui m’a donné un prétexte pour visiter cet étonnant pays. Après un agréable week-end et une nuit complète à compenser mon manque de discussions je suis partit pour le bled de Yesan. C’est dans un centre de soin pour la vie sauvage, à proximité de ce patelin, que Hee-Jong, l’ancien vétérinaire sur Heuksando, a trouvé un nouveau poste.
Si j’avais su à quoi m’attendre j’aurai sûrement prévu d’y passer plus de temps… Je m’attendais à une poignée d’oiseaux misérables dans de petites cages comme sur Heuksando, mais j’ai été agréablement surpris. Le centre récupère toutes sortes de bestioles et Hee-Jong a commencé par me présenter les poilus. Un couple d’hydropotes partageaient un box. Derrière ce nom rigolo se cachent des sortes de chevreuils dont les mâles arborent d’impressionnantes canines, à la manière des tigres à dents de sabre de la préhistoire. C’est un animal globalement menacé mais relativement commun en Corée. J’ai pu en observer deux lors de mes errances à travers le pays. Le mâle du centre de soin avait l’air de profiter tranquilou de sa convalescence mais la femelle semblait s’être pris un semi-remorque dans les dents… Il relâcheront les deux mais la demoiselle risque de boiter à vie. Puis vint le tour des chiens viverrins.

Une sorte de raton-laveur.

Les chiens viverrins sont assez commun en Corée et se retrouvent donc régulièrement dans les locaux du centre de soins. La plupart dormaient profondément ou nous regardais apeurés mais trois d’entre eux étaient atrocement mignons. Incroyablement curieux ils peuvent passer des heures juste à vous renifler.

Je n'ai pas de meilleure photo, il y en avait toujours un pour coller sa truffe dans l'objectif.

On enchaina par la visite aux emplumés. Des serres de tailles raisonnables abritaient différentes espèces d’oiseaux. Les plus impressionnants étaient les huits grands-ducs! La plupart se portent assez bien pour pouvoir être relâchés mais certains ont des problèmes trop sérieux et n’iront plus jamais hanter les forêts coréennes. Pour d’autres oiseaux comme les ninoxes hirsutes et le rolle oriental, qui devraient être aux Philippines en ce moment, Hee-Jong attend le printemps pour les relâcher.
Vint ensuite l’heure des entrainements pour les oiseaux de « démonstration ». Quelques rapaces ne sont pas en état de survivre correctement dans la nature mais peuvent tout de même voler. Histoire de leur dérouiller les ailes et, je pense aussi, de se faire plaisir, le personnel du centre les entraine tous les jours à la fauconnerie.


Ninja!
Ce petit mâle de faucon crécerelle en est à sa deuxième phase d’apprentissage. La première phase consiste à habituer l’oiseau à être manipuler, à se poser et se nourrir sur le gant. Cette phase est habituellement effectuée en intérieur. Pour mémoire, Haneuli, la buse captive d’Heuksando en est toujours à cette étape.
Ninja, le petit faucon, est passé au stade suivant et peut maintenant voler librement en extérieur. Enfin pas tout-à-fait, comme il n’en est qu’à ses débuts, on l’attache au bout d’une ligne de cane à pêche à moulinet.


Ça n’a pas l’air de trop le déranger.
Le terme de cet apprentissage est atteint si l’oiseau vient systématiquement se poser sur le gant du fauconnier lorsque ce dernier le siffle. Pour s’assurer que cette habitude s’enfonce dans son petit crâne de piaf, on le récompense avec un poussin comme casse-croûte. Mais attention, si le rapace veut se libérer de sa cane à pêche, il ne doit se poser sur le gant que lorsque son entraineur le siffle.

                                        Ce que fait très bien cette buse.
Une fois bien entrainés, les oiseaux sont utilisés comme ambassadeurs de la cause aviaire lors d’animations. J’ai ensuite eu droit à une visite des aspects plus « cliniques » du centre. Les employés reçoivent toutes sortent d’animaux que n’importe qui peut trouver. Et quel que soit l’animal, les employés le soignent sans se poser de questions. Que ce soit un pigeon ou un rare vautour. Si la cause est perdue l’animal est euthanasié. Il arrive également qu’on leur envoie des animaux qui meurent au cours du trajet. Tous les cadavres sont toutefois disséqués. Une pratique que j’ai trouvé intéressante concerne les oiseaux. Lorsqu’ils disposent d’un cadavre, les employés conservent les plumes de la queue ou des ailes dans leur configuration originale. Si un oiseau de la même espèce est trouvé un jour et qu’il lui manque des plumes, on lui greffera celles disponibles selon la configuration adéquate.
Le centre abritent différents oiseaux en convalescences. Certains n’en sortiront probablement jamais, tel ce petit-duc d’Orient au comportement assez…


étrange…
Hee-Jong pense que ce type de trouble résulte d’un problème au niveau des oreilles, responsables comme vous le savez, de l’équilibre d’un animal. La chirurgie nécessaire à une éventuelle guérison est largement au dessus des capacités du centre. Une magnifique bondrée orientale souffre également d’une infection au niveau des serres. Les dégâts sont tellement avancés que les doigts de l’oiseau sont déformés et il ne peut plus saisir ses proies correctement. Cela n’affecte pas ses capacités au vol et vous l’aurez deviné, Hee-Jong compte inscrire le magnifique rapace à ses cours de fauconnerie.
De leur coté, les chiens viverrins coréens sont souvent les victimes d’un parasite qui détruit leur peau. Bien que l’issu puisse être fatale, le traitement est simple et la plupart des animaux retournent assez vite gambader dans les sous-bois.

Surtout ne t'afolles pas gentil raton-laveur!

D’ailleurs il a fallu aller les nourrir les petites bêtes. Et les crapules ont beau être mignonnes, elles n’en restent pas moins des prédateurs. Il est hors de questions de nourrir les toutous avec des croquettes ou même des poussins, ça les habituerait à chaparder chez les humains. Heureusement que le centre reçoit un apport quotidien en carcasses d’hydropotes ou de lièvres coréens. Pour ne pas les habituer à être nourri à la main nous ne leur donnions qu’une tête de lièvre à chacun et cachions le reste sous des tas de feuilles mortes. Bien entendu il y avait un petit malin pour déterrer les têtes une à une et les entasser dans un coin. Ce fût long…
Après cela il fut temps pour moi d’entamer un pèlerinage vers l’édifice dont la renommée éveilla en mon esprit un début d’intérêt pour ce pays. Un ouvrage qui attira un ornithologue australien à Miranda en ce fameux jour que je ne cesse de ressasser. Rappelez-vous, la construction d’une digue avait asséché une immense vasière, ce qui fût probablement à l’origine de la disparition de milliers d’oiseaux migrateurs.

Certes impressionnant.

La baie de Saemangeum (새만금) attirait auparavant des quantités astronomiques de migrateurs qui se gavaient de coquillages avant de s’envoler pour l’Australie. Or le gouvernement coréen avait décidé de construire un mur pour empêcher la mer de recouvrir la vasière à chaque marée. Privés d’eau, les mollusques ont été décimés et les oiseaux ont disparu… Comme prévu le spectacle était désolant. Bien entendu la saison ne m’aurait pas permis d’observer de limicoles mais l’aridité des terres asséchées laisse aisément penser qu’aucun pluvier ne peut plus y trouver quoique ce soit à manger. Les autorités locales ont l’air ravi et les plans des futurs casinos apparaissent sur toutes les cartes de la ville…
La ville en question s’appelle Gunsan (군산시) et fort heureusement elle abrite toujours un animal qui mérite de faire un détour par la région.

What the duck?

La sarcelle élégante est un petit canard qui s’éparpille à travers la Sibérie chaque été pour s’y reproduire. Chaque hiver, l’immense majorité des individus de cette espèce se réunissent en différent point de Corée. Ces rassemblements peuvent parfois compter plusieurs centaines de milliers d’individus. Lors de mon passage à Gunsan, cent mille sarcelles était réunies sur la rivière Geum (금강) qui coule à proximité. Le spectacle est très difficile à décrire. Toute la journée les canards forment une sorte de tapis grouillant à la surface de l’eau. Une vision déjà assez déroutante. Mais lorsque le soleil s’approche de l’horizon, les oiseaux se préparent à quitter le cours d’eau. À intervalles irrégulières mais de plus en plus fréquentes, des centaines de sarcelles vont s’envoler en un bond impressionnant. La force de l’envol entraine une giclée d’eau magnifique qui s’irise aux couleurs du soleil couchant. Tout les oiseaux vont suivre le mouvement et former une masse gigantesque. La masse prend des formes farfelues et, selon la synchronisation des sarcelles, va disparaitre par endroit on se strier d’éclairs dorés. Les premiers envols sont courts, mais plus le temps passe et moins les canards semblent enclins à se reposer sur l’eau. Finalement, juste avant que la nuit tombe, les oiseaux s’étalent en une bande longue de plus d’un kilomètre et vous survolent à vive allure en direction des champs avoisinants. C’est là qu’ils passeront la nuit à se nourrir.

Du grand art.

Mais les sarcelles élégantes ne sont pas les seuls oiseaux à venir en grand nombre pour passer l’hiver en Corée. À travers tout le pays j’ai été impressionné par la présence de quantité d’oiseaux absents à mon arrivée. Il ne se trouve pas une flaque sans que des canards de toutes sortes y barbotent. Chaque soir, le ciel est constellé par les vols en V de milliers d’oies sauvages. À mon humble avis une raison est particulièrement liée à la présence merveilleuse de tous ses oiseaux. Les chasseurs sont quasi inexistant dans le pays. Particulièrement les abrutis finis qui passent leurs journées à picoler au bord d’une mare en mitraillant les pauvres oiseaux qui viennent s’y poser, et arrivent encore à prétendre qu’il s’agit d’un sport… La situation environnementale en Corée est catastrophique mais on peut au moins leur accorder ce bon point. En l’absence de ces têtes pleines de pinard, je suis persuadé qu’en France aussi on pourrait jouir du merveilleux spectacle de ces hivernants.

Sauvez un canard: mangez un connard!

Outre les sarcelles élégantes, un autre visiteur d’hiver est particulièrement apprécié par les coréen: la grue. Dans la baie de Suncheon (순천만), j’ai pu observer des centaines de grues moines, une poignée de grues à cous blancs et même une grue cendrée. Celle-là vous pouvez aller en observer des milliers en ce moment même au lac du Der. Tout comme les sarcelles élégantes, chaque espèce de grue a tendance à se rendre en un petit nombre de sites bien précis chaque hiver. Par conséquent ces endroits sont très protégés et il y est interdit de s’approcher des oiseaux.

Tant pis pour vous.

Pour mes derniers jours dans le pays, je me suis dit qu’il était peut-être temps que je laisse les bestioles locales un peu tranquilles. Je me suis donc rendu dans la ville historique de Gyeongju (경주시). Ironiquement j’y suis arrivé le jour d’un événement historique: l’annonce du décès de Kim Jong-Il (김정일). Je ne m’attarderais pas sur les relations entre les deux Corées, on verra ça quand je me rendrais en Corée du Nord. J’ai tout de même été étonné par les réactions locales à l’annonce de ce décès. Ou plutôt l’absence de réactions. Bien entendu les journaux télévisés ne parlent que de ça mais la majorité de la population semblent ne pas y prêter attention. Pour grand nombre de sud-coréen, la disparition du leader ennemi ne changera rien à la situation actuelle. Pour les plus pessimistes les membres du gouvernement nord-coréen pourrait y trouver un prétexte pour rappeler à tout le monde à quel point ils sont de dangereux abrutis.
Mais retournons à Gyeongju, l’ancienne capitale du royaume de Silla (신라).

C'est partit pour un peu d'histoire!

L’origine de la Corée est assez floue mais commence à s’éclaircir lors de la période dite des « Trois Royaumes ». Un titre qui fait référence aux royaumes de Silla, Paekche (백제) et Koguryŏ (고구려) qui occupaient la péninsule au premier siècle avant Jean-Claude. Bien entendu tout ce petit monde se foutait joyeusement sur la gueule. Cependant dès le sixième siècle, le royaume de Silla annexe le royaume de Paekche et au septième, aidé par la Chine, il fait de même avec celui de Koguryŏ. Les sud-coréens se considèrent comme les descendants de la dynastie Silla et parlent donc de ces annexions comme d’une « unification ». Les nord-coréens se disent d’ascendance Koguryŏ et parlent donc plutôt d’« invasion ».

Un pilier de l'ère Silla supposé représenter l'unification de la péninsule.

La suite n’est pas claire du tout… Sous la dynastie Silla, la Corée connait un âge d’or et tout le monde semble heureux dans une Corée où tout le monde s’aime. Pourtant les descendants de Koguryŏ continuent de diriger des territoires au Nord de la péninsule et à résister encore et toujours aux envahisseurs Silla et chinois. Il semblerait que l’idée d’une Corée unie durant cette période date en réalité de la partition de la péninsule en 1945…
Le royaume de Silla connait une longévité toute à fait honorable mais au dixième siècle la dynastie régnante ne contrôle plus vraiment grand-chose et cède son pouvoir au général Wanggeon (왕건) . Bien entendu plusieurs petits malins tentent d’en profiter pour créer leurs propres petits royaumes. Mais Wanggeon calme tout-le-monde d’entrée de jeu à grands coups d’« unifications ». À mon avis tout-à-fait personnel c’est lui qui unifie la Corée pour la première fois. Assez malin pour intégrer des descendants des trois royaumes à son gouvernement, il crée la dynastie Goryo (고려). Une dynastie qui ne tiendra pas très bien la route et qui, comme beaucoup, se prendra une bonne claque mongole au treizième siècle. Ils occuperont le pays pendant plus d’un siècle tandis que les souverains Goryo se planquent sur des îles du Sud.

Je ne sais pas quoi mettre comme illustration...

Le quatorzième siècle fut un sacré bordel en Corée et je n’ai toujours pas bien tout compris à ce qui s’y est passé. Ce qui est sûr c’est qu’en 1392, le général Yi Seonggye (이성계) tue tout le monde, prend le pouvoir et fonde la dynastie Joseon (조선국). Une dynastie qui est souvent citée parmi les plus longues de l’histoire de l’humanité puisqu’elle fut aux commandes du pays jusqu’en 1910!
Bon je vous ai résumé tout ça à ma sauce mais au final ce qui nous intéresse c’est la dynastie Silla puisque j’ai visité leur capitale. J’aurai bien voulu faire mieux mais entre les diverses invasions mongoles ou japonaises et la guerre de Corée il ne reste pas grand chose des gloires passées…
L’un des aspects les plus important de la période Silla est l’avènement du bouddhisme en Corée. Je suis donc allé visité le très joli temple de Bulguksa (불국사) et le magnifique bouddha de la grotte de Seokguram (석굴암).

Très sympa!

Je ne suis pas très fan de bouddhas de la région car ils ont tendance à être tout dorés dans un décor ultra kitsch. Mais celui de Seokguram est un chef d’œuvre en pierre joliment placé dans un grotte parfaitement aménagée et décorée.
Après la visite d’un chouette musée j’ai enfin pu dissiper une partie des brumes qui recouvrent une pratique culturelle très étrange, propre à la région…

L'élevage de taupes géantes.

Les cimetières sont quasi-inexistants en Corée et ce que l’on trouve datent généralement de l’expansion du christianisme. Mais encore maintenant enterrer ses morts n’importe où semble être la coutume la plus fréquente. On trouve des tombes coréennes n’importe où dans le pays, parfois même dans des jardins. Elles consistent généralement en un petit tumulus recouvert de gazon. C’est tout. On peut s’estimer heureux lorsqu’on trouve un pavé sans inscriptions à côté. C’est assez troublant car à la moindre bosse que l’on gravit en forêt on se demande si on ne piétine pas une sépulture… Plus étonnant encore, la pratique est la même pour un individu de sang royal. La seule différence se trouve dans la taille des tumulus, mais là encore aucune inscription ne nous indique qui mange les pissenlits par la racine. Et puis cela faisait maintenant trois mois que je me demandais ce que l’on pouvait trouver sous les petits monticules. En ce qui concerne le simple quidam je n’en ai toujours aucune idée mais pour les rois je suis fixé. Gyeongju ayant été la capitale d’un royaume on trouve des petites collines un peu partout en ville. L’une d’entre elle est une réplique dans laquelle on peut observer la reconstitution d’une chambre funéraire. On apprend ainsi qu’une petite chambre en bois se situe à la base du tumulus. Cette chambre contient toutes les bricoles dont le défunt aura besoin dans l’autre monde. Et au milieu du bric-à-brac se trouve un cercueil où repose l’ancien souverain dans ses plus belles parures.
Mystère résolu, je peux quitter le pays l’esprit léger.

À mon tour de migrer un peu.

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Quel plaisir de vous voir là…

Aurélie!

 

9 décembre

 

Ah! Vous ne l’aviez pas vu venir celle-là? À vrai dire moi non plus…
Aurélie vient de finir son stage et, par extension, son master. Résultat elle s’est dit qu’il n’y avait pas de meilleur moyen de fêter ça qu’en venant s’ennuyer avec moi sur mon île. Chacun son truc.
Elle a été mise dans le bain dès le départ par mes collègues qui avaient organisé un petit apéro de bienvenue. Soju et crevettes crues au menu. De son côté notre invité a eu la bonne idée de nous ramener deux bouteilles de rouge. Le choc des cultures a été original entre la française qui trempe sa crevette dans la sauce épicée au lieu de celle au soja (sur mes conseils mal-avisés) et les collègues coréens qui coupent leurs verres de soju avec quelque gouttes de pinard…

Ce qui n'a entrainé aucun incident diplomatique.

Sortis de mes collègues, avec qui j’ai du mal à entretenir des discussions de plus de deux minutes lorsqu’on est à jeun, je n’avais personne d’autre à présenter à mon invitée. Du coup je lui ai fait faire la connaissance de ceux qui m’empêchent de faire une crise d’hypo-sociabilité depuis que je suis ici.
Un animal qui abonde en Corée c’est le chien, mais il diffère largement qu’il vive en ville ou à la campagne. Les chiens citadins sont des horreurs minuscules habillés de costumes ridicules. Les chiens campagnards sont à peu près tous de la même marque et servent essentiellement de chien d’alarme ou de casse-croute. La vie d’un toutou sur Heuksan-do n’est vraiment pas rose, la quasi totalité des clébards de l’île vivent attachés en permanence à une laisse qui atteint difficilement le mètre. Ils tournent en rond sur des dalles de béton qui ne sont nettoyées que lorsqu’il pleut…
Du coup, comme je passe au moins une heure par jour dans le village à compter les oiseaux, j’en profite pour distribuer de la papouille. Aux débuts les corniauds étaient en peu soupçonneux mais maintenant si j’oublie d’en papouiller un c’est les grandes eaux, les gémissements et autres couinements…
Et puisqu’elle était ici, j’ai réquisitionné Aurélie pour m’aider dans ma corvée!

Y a pas d'raisons!

J’aurais bien aimé lui faire effectuer d’autre corvées mais les filets sont fermés depuis le 1er décembre. Quoiqu’on continue à faire des comptages. D’ailleurs elle a pu assister au plus pénible d’entre tous, le comptage des mouettes. Pour vous donner une idée, le jour où Aurélie y a assisté il y avait six mille gros élans dans la zone de comptage et à peu près dix mille dans l’ensemble de la baie…

Non!

C'est pas les mêmes!

Ah ben oui ce serait trop facile sinon! Non content d’être nombreux ils sont ultra-difficiles à distinguer les uns des autres… Ça m’est arrivé à plusieurs reprises de référencer quatre cent Larus sp… Pour plusieurs espèces la seule différence qui soit visible c’est le site de nidification. Certains doivent se demander pourquoi on se prend la tête comme ça. Et bien vous n’êtes pas sans savoir que les océans sont dans un assez mauvais état en ce moment, et que ça ne s’arrange pas. Bon et bien les gros élans étant des oiseaux assez dépendants de la qualité de nos mers et océans il est important de savoir comment ils vont. Et étant donné que chaque espèce a tendance à nicher à un endroit bien précis, si une espèce se raréfie on peut suspecter que quelque chose ne va pas dans son aire de répartition.
Bon ça c’est dans la pratique parce que sur le terrain…

Némesis.

Lui il était tranquillement à cinq mètres d’Aurélie, Hyun-Young et moi-même. Vous ne voyez pas son problème? Le petit rigolo présente à la fois les caractéristiques d’un goéland de la Véga, de Mongolie et peut-être même de celui de Sibérie. Et il ne peut pas être les trois en même temps. C’est interdit.
Après avoir débattu longuement sur son statut, c’est Ogura-San qui nous a révélé son identité. Le drôle était un hybride d’un goéland de la Véga et d’autre chose. Ben oui il n’y a pas que nous qui avons du mal! Parfois des goélands se plantent d’espèce dans le choix de leurs partenaires… Rien de grave, ça donne juste naissance à des bâtards stériles.
Bon et à ça il faut ajouter que les mouettes mettent jusqu’à quatre ans pour atteindre un plumage d’adulte, que les jeunes sont souvent virtuellement indissociable d’une espèce à l’autre et qu’ils changent tous de plumage en été et en hiver…

Alors? Qui veut faire carrière dans l'étude des mouettes?

J’ai aussi profité de la présence d’Aurélie pour nous offrir une petite rando dans la forêt qui compose quatre-vingt pour cent de l’île. Ben oui, on est dans un Parc National, ne l’oubliez pas! C’était la première fois que je m’adonnais à l’activité sur Heuksando. Il faut dire qu’elle n’est pas très populaire ici et que les sentiers ou informations sont peu nombreux et très mal entretenus.
En tout cas c’était très sympa. Bon et une fois qu’Aurélie est repartit mes collègues sont passés à ma soirée de départ. À une semaine de mon départ je trouvais ça un peu déplacé mais vu que j’ai encore du mal à m’en remettre je suis content qu’ils ne l’aient pas initialement prévu pour ce soir…

 

 

En bonus pour les acharnés de la coche, voici la liste des oiseaux que j’ai pu observer dans le Parc National du 10 octobre au 9 décembre:
Grèbe castagneux, grèbe à cou noir, grèbe huppé, puffin leucomèle, cormorant de Temminck, blongios de Chine, héron intermédiaire, héron cendré, aigrette garzette, oie des moissons, canard mandarin, canard colvert, canard de Chine, canard souchet, fuligule milouin, sarcelle d’hiver, sarcelle d’été, sarcelle élégante, canard siffleur, canard pilet, harle huppé, harle bièvre, balbuzard pêcheur, milan noir, pyguargue à queue blanche, aigle criard, épervier d’Europe, Epervier du Japon, buse variable, faucon pèlerin, faucon crécerelle, caille du Japon, râle d’eau, marouette de Baillon, gallinule poule d’eau, foulque macroule, pluvier à long bec, pluvier à collier interrompu, pluvier de Leschenault, chevalier arlequin, chevalier culblanc, chevalier guignette, bécassine sourde, bécasse des bois, mouette rieuse, goéland à queue noire, goéland de la Vega, goéland de Sibérie, goéland mongol, tourterelle à tête grise, tourterelle orientale, martin-pêcheur d’Europe, alouette des champs, hirondelle rousseline, hirondelle de fenêtre, bergeronnette des ruisseaux, bergeronnette de l’Amour, bergeronnette lugubre, pipit de la Pechora, pipit à dos olive, pipit américain, bulbul à oreillons bruns, bulbul de Chine, pie-grièche bucéphale, rossignol à flancs roux, rougequeue aurore, tarier de Sibérie, monticole merle-bleu, grive de Naumann, bouscarle chanteuse, pouillot brun, pouillot à grands sourcils, pouillot de Pallas, paradoxornis de Webb, mésange à longue queue, rémiz de Chine, mésange variée, mésange de Chine, zostérops du Japon, bruant à longue queue, bruant rustique, bruant de Tristram, bruant à sourcils jaunes, bruant élégant, bruant auréole, bruant roux, bruant à oreillons, bruant nain, bruant masqué, bruant gris, bruant de Pallas, verdier de Chine, pinson du Nord, gros-bec migrateur, moineau friquet, moineau rutilant, étourneau gris, étourneau sansonnet, étourneau soyeux, pie bleue, pie bavarde, corneille noire.

Et ceux que je n’ai vu qu’en main ou que je n’ai pas su identifier sur le terrain:
Océanite de Swinhoe, bécassine des marais, pipit à gorge rousse, calliope de Sibérie, cisticole des joncs, locustelle lancéolée, locustelle de Middendorff, rousserolle d’Orient, rousserolle de Schrenck, pouillot véloce, gobemouche mugimaki, gobemouche de la taïga, gobemouche brun, gobemouche à taches grises, bruant à calotte blanche, bruant lapon, roselin cramoisi.

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Reprenons depuis le début.

27 novembre

 

Bon j’ai réussi à éviter le sujet jusqu’à maintenant mais il est temps que je vous parle du travail le plus important effectué par le centre: le baguage.
Alors on recommence à zéro. Pourquoi on bague? Baguer un oiseau ça nous permet de suivre un individu donné en lui collant un numéro qui permettra de le reconnaître à l’avenir. Concrètement ça nous permettra de se faire une idée de l’âge moyen au sein de l’espèce, leurs trajets de migrations, etc. Pour capturer ces oiseaux la technique de base consiste en l’emploi de filets spéciaux. Une fois capturé, on profite d’avoir l’oiseau sous la main pour effectuer tout plein de mesures. Et c’est là qu’il y a du nouveau pour moi. Les oiseaux de la région ne sont étudiés que depuis très récemment et les données ornithologiques coréenne en sont à leurs balbutiement.

Il faut un début à tout.

Résultat les bagueurs du centre effectuent des mesures qui ne sont plus communes en Europe et que je ne connaissais pas encore. L’une d’entre elle m’a particulièrement intéressé, le niveau d’ossification du crâne des oiseaux. Le crâne des oiseaux se forme en deux temps. À la sortie de l’œuf, l’oiseau ne possède qu’une couche osseuse au niveau du crâne, puis, en grandissant, une deuxième couche se forme par dessus. Le niveau d’avancement de cette ossification est l’un des moyens les plus fiables de connaître l’âge précis d’un jeune oiseau. Le problème c’est que c’est extrêmement compliqué à déterminer…

Y compris sur le papier...

Bien entendu l’essentiel des résultats du baguage sont issus des recaptures. Or le couloir de migration qui passe par la Corée n’est pas encore vraiment bien équipés en bagueurs… Le Japon domine largement la région et l’archipel regorge de stations de baguage. La Corée commence doucement mais un des oiseaux bagué au centre a déjà été recapturé au Japon. Contre une dizaine de passereaux bagués aux Japon et recapturés par le centre. La Chine s’y est mis tardivement et (j’ai envie de dire « comme d’habitude ») cherche surtout à épater la galerie. Des millions de bagues on été produites et distribués à divers gardes forestiers ou autres techniciens de l’environnement à travers le pays. Bien entendu rien n’a été fait pour les former et les quelques oiseaux qui ont été recapturés dans d’autres pays étaient référencés comme appartenant à des espèces totalement différentes de la réalité.

J'ai entendu parler d'un bruant chinois bagué et référencé comme étant un merle...

Et encore ça c’est quand ils sont bagués… Des rumeurs persistantes prétendent que, pour obéir aux ordres de productivité, certains bagueurs chinois inventent des oiseaux et enterrent les bagues censées avoir été posées dessus… Ce qui frustre également énormément mes collègues c’est que les chinois ne leurs signalent pas leurs recaptures d’oiseaux bagués en Corée… Bien entendu la situation en Corée du Nord est assez similaire… Les russes sont plutôt bons niveau baguage mais le Kamtchatka c’est un peu le bout du monde et les bagueurs ne sont pas nombreux dans la région… Et pour ce qui concerne l’Asie du Sud-Est on est encore très loin du compte…
Mais le plus dur sera sûrement d’éduquer les populations locales à transmettre les bagues qu’ils peuvent trouver aux autorités compétentes. Je ne peux m’empêcher de vous narrer l’anecdote amusante de cet explorateur qui se baladait au Pérou. Alors qu’il rendait visite à une tribu locale, il remarqua que certains indigènes portaient des colliers composés de bagues en aluminium. C’est comme ça que des chercheurs américains ont découvert où leurs martinets ramoneurs passaient l’hiver!
Mais au fait vous les copains, savez-vous ce que vous devez faire si vous trouvez un oiseau bagué?
Prenez le en photo, notez la date, le lieu, si vous êtes sûr de vous, l’espèce et, bien entendu, recopiez ce que vous lisez sur la bague. D’ailleurs, si l’oiseau est mort, vous pouvez joindre sa bague à votre courrier. Envoyez le tout à l’adresse suivante:
France:
Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux (CRBPO)
55 rue Buffon
75005 PARIS
Téléphone : 01 40 79 39 78
Belgique:
Département de Baguage des Oiseaux
Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique
rue Vautier, 29
1000 BRUXELLES
Suisse:
Schweizerische Vogelwarte
Bird Ringing Center
6204 SEMPACH

Une photo de la bague ne sert à rien.

Si vous joignez votre adresse au courrier, vous recevrez toutes les informations concernant l’oiseau en question! Petits veinards…
Venons-en à mon expérience personnelle au sein du centre. Ici on n’utilise pas plus d’une dizaine de filets mais il semblerait qu’en temps normal c’est amplement suffisant pour que tout le monde soit débordé. Seulement cette année il y a moins d’oiseaux dans les filets que de promesses tenues par un gouvernement… Avec les collègues on suspecte un peu les conditions climatiques anormales mais ça devient une excuse tellement récurrente qu’elle sonne presque faux. Enfin si la quantité n’est pas vraiment de la partie, la diversité en est. Juste avant mon arrivée, le centre a capturé la première hypolaïs bottée jamais observée en Corée et j’ai pu assister au premier baguage d’un bruant à calotte blanche dans ce pays.

Que d'émotions.

Et bien que je me sente un peu inutile par moment j’en profite pour me garder un ou deux piafs par tournée. J’en fait mes cobayes et refait toutes les mesures pour m’entrainer.
Mais la donne a changé récemment. Depuis qu’on est rentré du Symposium l’hiver s’est installé brutalement. Du jour au lendemain tous les tariers qui glandouillaient devant le centre depuis deux mois ont disparu. La situation dans les filets a radicalement changé. Jusqu’ici on capturait au moins notre vingtaine de bruants masqués quotidiens, souvent les mêmes chaque jours d’ailleurs. Le lendemain de notre retour on en a capturé deux. Ce furent les seuls oiseaux de la journée…
Mais tous les oiseaux n’ont pas disparu, ceux qui viennent d’arriver vont certainement passer l’hiver ici et changent donc de stratégie comportementale. Jusqu’ici on capturait en moyenne quatre/cinq oiseaux par tournée. Maintenant on en capture aucun sauf pour une tournée par jour, où on en capture vingt d’un coup… Les passereaux de l’île se sont tous rassemblés en énormes nuées de centaines d’oiseaux mélangeant mésanges, rossignols, bruants, zostérops et grives…

La différence entre les deux espèces de bruants dominantes...

est, là encore, évidente...

Mes séances d’identifications sur le terrain deviennent un tantinet plus éprouvantes. Pendant trois quarts d’heure je ne vois pas un piaf et, tout-à-coup, voilà que j’entends un murmure distant. Dans ma tête je me dis « Ça commence… », le murmure se transforme en brouhaha assourdissant. « 2 rossignols, 3 mésanges variées, 5 zostérops, 10+ mésanges charbonnières, 20+ mésanges à longues queues… », mes jumelles ne sont pas loin de prendre feu lorsque je ponctue ma fiche par « bruants divers: trop nombreux… ».
Si les espèces de passereaux sont de moins en moins diversifiées, les canards, de leurs côtés, arrivent en masses depuis leurs quartiers d’été. Malheureusement ils ne sont pas forcément beaucoup plus simples à différencier les uns des autres que des passereaux…

Pourtant,

ça saute aux yeux...

Il faut aussi vous dire que je dois généralement les observer à la longue-vue pendant qu’ils pioncent avec le bec sous l’aile…
Et puis avec l’arrivée fulgurante de l’hiver on commence à se faire une idée de ceux qui ont raté leurs migrations et ne vont certainement pas passer l’hiver. Une bécassine des marais et un héron intermédiaire se sont fait attraper à plusieurs reprises ces derniers jours et leur poids diminue à chaque fois. La dernière fois on leur voyait sérieusement les os…

Au bout du rouleau..

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Octopus lollipop.

18 novembre

Pfiou les copains! Si ça continue comme ça je n’aurais jamais l’occasion de parler sérieusement du baguage! Jeudi dernier Hyun-Young est venue m’annoncer:

-Au fait Rémi tu sais qu’on va organiser une conférence internationale sur les oiseaux marins?

-Super! Quand?

-On part demain sur l’île de Jeungdo.

-… Ca tombe bien j’avais rien prévu…

Comme partout dans le parc national, l’île de Jeungdo est invivable…

Je vais craquer...

Intitulée « 2011 International Symposium on Migratory Birds », la rencontre avait pour thème: La protection des oiseaux marins du couloir de migration Australo-est-asiatique. Ça vous rappelle quelque chose? Effectivement! Je vous en avais parlé pour la première fois dans ce superbe article qui avait passionné des centaine de lecteurs!

D’ailleurs un ornithologue australien était là encore de la partie. Mais je ne vais pas trop vous casser les pieds avec le contenu ultra intéressant des exposés qui nous ont été offerts, je l’ai déjà en partie fait pour le blog du site internet…

C’était terriblement passionnant et ça m’a permis de rencontrer tout un paquet de pointures du milieu et d’enfin faire la connaissance de celui qui m’avait pistonné pour être admis au Migratory Birds Center: Mr Chang-Yong Choi. Mais comment se fait-il qu’il m’ait pistonné alors qu’on ne s’était jamais rencontrés? Et bien quand j’ai su que j’allais en Corée du Sud, j’ai envoyé un mail à David Lawrie, du Miranda Shorebird Center et un autre à Ken Gosbell, du East Asian-australasian Flyway Partnership, pour savoir si il connaissait quelqu’un susceptible d’apprécier mon aide en Corée. Les deux ont transféré ma demande à Mr Choi, membre du Partnership en Corée. Et voilà! Pas de miracles!

Pour me retenir de vous parler pendant des lignes de la journée de conférences, je passe tout de suite au lendemain, où nous sommes allés visiter l’îlot ultra-protégé de Chilbaldo.

En petit groupe international restreint de privilégiés.

L’île est un site de nidification important pour l’océanite de Swinhoe et le puffin leucomèle. Malheureusement les plantes invasives foisonnent et menacent gravement la survie des océanites. L’une d’elle en particulier produit des petites graines qui s’accrochent au plumage des oiseaux et les empêchent de reprendre leur envol. Des chercheurs coréens et employés du centre tentent de contenir la propagation du fléau mais les cadavres d’oiseaux morts de faim restent abondant sur l’île.

Même un mois après leur départ de l'île pour migrer...

Mais l’ornithologie était loin d’être le seul intérêt de ce week-end. Lorsqu’une centaine de coréens se retrouvent ça donne l’occasion rêvée pour une belle beuverie bien en règle! Et avec la picole vient la bouffe. Hors la spécialité culinaire de Jeungdo peut laisser perplexe. Dès la première soirée, un saladier plein de petits poulpes vivants fit son apparition sur le bar…

J'ai un mauvais pressentiment...

Fous de joies mes camarades commencèrent joyeusement à empaler les pauvres créatures sur leurs baguettes avant des les dévorer goulûment… Je ne sais absolument pas d’où vient cette coutume mais certains en tirent visiblement un plaisir à la limite du sadisme, croquant une à une chacune des tentacules du poulpe… Et puis bien entendu, devant l’insistance de mon patron, je n’ai pas pu m’empêcher de tenter l’expérience.

Nom nom nom

Étonnamment ce n’est pas vraiment mauvais, les tentacules qui tentent de s’échapper étant toutefois assez perturbantes. Et puis j’ai cru que boire un verre de soju serait une bonne idée pour faire se détacher le poulpe qui s’accrochait à mon œsophage. Ça a marché mais un poulpe démembré et bourré dans l’estomac c’est pire qu’un poulpe démembré et sobre…

Cette prouesse m’a très clairement rapproché de mes collègues et je commence de plus en plus à me sentir membre de l’équipe. D’ailleurs j’ai été promu « monitorer » officiel! Mes comptages sont officiellement pris en compte même si ils comportent encore de nombreux « unidentified bird ». Pour me justifier voici un exemple des oiseaux dont l’identification me pousse presque à m’arracher les cheveux:

Celui là...

... est totalement différent de celui ci!

Et celui ci...

... n'a rien à voir avec celui là!

Les différences sont évidentes non? Et dites vous que là ils ne sont pas mélangés dans un groupe en vol à cinq cent mètres à contre-jour…

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Touche à tout.

9 novembre

 

Bon, vous savez où je me trouve et avec qui. Maintenant il est temps de vous parler de ce à quoi je passe mes journées! Et je vais tuer dans l’œuf le début d’espoir qui est né dans ceux qui m’entendaient déjà parler de bagues… Vous aurez remarqué qu’on est quand même un paquet de bagueurs et on n’a même pas une dizaine de filets ouverts. Et comme si ça ne suffisait pas, on n’a pas d’oiseaux… Enfin on en a pas mal mais ils ne migrent pas…

Y U NOT MIGRATING!

Il fait encore super doux pour la saison de ce côté du globe, et on trouve du manger un peu partout. Graines et insectes à profusions, surtout des moustiques d’ailleurs… Par conséquent les oiseaux ne sont pas super motivés par l’idée de se coltiner la très dangereuse traversée de la mer Jaune… Jusqu’ici on a eu une moyenne d’une journée de froid par semaine, avec le flot de migrateurs qui va avec. Ce qui veut dire que chaque semaine on a un nouvel arrivage de piafs. Et qu’ils glandouillent sur l’île en attendant le prochain coup de froid. En gros je n’aide les bagueurs qu’une fois par semaine voir toutes les deux semaines et le reste du temps on recapture surtout les mêmes oiseaux. Pour que les connaisseurs se fassent une petite idée du bronx, sachez que j’ai sortit des pinsons du Nord d’un filet la semaine dernière alors que des hirondelles rousselines continuaient de me survoler…

Et depuis ceux là on n'en a toujours pas de nouveaux...

Bon mais alors que faire de ses journées lorsqu’on a quinze employés et une dizaine de piafs par jour? Et bien si les oiseaux ne se bousculent pas dans les filets ils sont quand même super nombreux dans les environs. Tout les jours au moins un employé du centre part faire un tour dans les environs du village de Jin-ri pour compter et identifier les emplumés qu’on n’attrape pas.

Genre celui là...

« Hé! C’est pas une sterne ça? Quelle fille? ». Ce genre de réflexions a exaspéré plus d’un copain sur les quais de Seine mais ici, ce sens de l’observation très particulier est très apprécié. Bien entendu je ne peux pas vraiment faire des inventaires tout seul étant donné que la plupart des oiseaux du coin m’étaient encore inconnu il y a un mois. Mais mes facultés à la détection de plumes font que tout le monde est généralement ravi de m’accompagner. Enfin tout le monde sauf Ogura-San qui préfère partir en catimini compter ses oiseaux tout seul. Lors de ses journées je pars aussi compter de mon côté et je suis toujours assez fier quand nos données correspondent. Je pense que c’est la partie du boulot qui me plait le plus car c’est assez nouveaux pour moi et comme les flots de migrations sont assez lents j’ai le temps de me familiariser avec toutes les espèces. Depuis peu j’enregistre même mes données dans celles du centre comme un grand. Il y a encore pas mal de Emberiza sp. mais c’est un début! Ce qui est rigolo, c’est que la plupart des oiseaux de Jin-ri sont bagués. Quelque chose qui me fascine c’est la façon dont tout les oiseaux d’une même espèce migrent quasiment en même temps. Prenons par exemple les pipits. Ces oiseaux sont quasiment indissociables d’une espèce à l’autre, et pourtant! Lorsque je suis arrivé, on ne trouvait que des pipits à gorges rousses (Anthus cervinus), puis ils sont partit et on ne trouvait plus que de pipits à dos olive (Anthus hodgsoni), qui ont maintenant disparu pour laisser leurs places aux pipits d’Amérique (Anthus rubescens).

MOI ça me fascine!

Il y a peu je me suis lancé dans des expéditions nocturnes juste pour voir. En trois nuits j’ai pu observer une bécassine sourde, un héron bihoreau et j’ai explosé le score de bécasses des bois du centre… J’en suis à six alors qu’en temps normal le centre en observe deux par ans… Ça a beaucoup intéressé mes collègues qui ont commencé a laisser les filets ouvert jusqu’à minuit. Pour l’instant ça n’a rien donné mais ça m’a permis de découvrir que tous mes collègues ont peur du noir…

Mais on les aura...

Un autre boulot régulier c’est les « road-kills ». C’est bien moins excitant que le nom le laisse penser. Une ou deux fois par semaine je pars faire le tour de l’île en voiture avec Chang-Wook Park. Il y a à peu près deux cent véhicules en circulation sur l’île et une route principale en fait tout le tour. Et là où il y a des voitures on a des animaux écrasés. Le but des excursions « road-kills » sont de référencer ces cadavres. À chaque fois qu’on en trouve un on le prend en photo à côté d’une règle et, si c’est un oiseau, on prélève une plume. Ça permet d’avoir encore plus d’informations sur les animaux présents sur l’île et pour Chang-Wook et moi ça nous fait une sortie. En plus Chang-Wook a tendance à nous faire faire des petites excursions parallèles et de nous offrir de nouvelles espèces.

Chang-Wook en train de référencer un cadavre de merle pâle. Un oiseau que je n'ai pas encore vu vivant...

Il y a aussi les boulots à l’infirmerie. Le plus souvent ça consiste à nourrir des oiseaux sous-alimentés qu’on a récupéré ou qui sont en convalescence. J’ai également désinfecté quelques plaies et joué du thermomètre. Le taux de survie à l’infirmerie n’est pas très élevé mais, vu l’état dans lequel la plupart des oiseaux arrive, ça n’a rien de vraiment étonnant. Un de mes préférés c’est un bruant roux qui était en mue lorsqu’on l’a attrapé. Il s’est tellement débattu dans les mains de son bagueur qu’il n’a plus de plumes et ne peut plus voler. Rien de bien grave, ça va repousser, mais en attendant il est dans une cage et ne ressemble à rien!

Le dernier repas d'une petite musaraigne...

Un des boulots du véto est aussi de stériliser les chats qu’on capture. Ça vous rappelle quelque chose? Je vous rassure tout de suite, les coréens sont beaucoup plus softs avec leurs chats que les néozélandais. Le chat n’est pas vraiment considéré comme un nuisible sur Heuksando, mais il n’est pas natif non plus. Il a été introduit pour luter contre les rats, introduits eux-aussi. Seulement il arrive que des chats harets menacent les oiseaux pris dans les filets. Du coup on a des pièges disposés un peu partout. Lorsqu’un chat est capturé il est stérilisé et envoyé sur une ferme piscicole. Des sortes de bassins d’élevages flottant éparpillés un peu partout autour de l’île. C’est là qu’il finira ses jours à moins qu’il n’ai pas peur de l’eau. Je ne suis pas certains que ce soit très efficace mais de toutes manières les habitants de l’île continuent à introduire des chats et même mes collègues en ont…
L’île est aussi habitée par des visons de Sibérie. Ils sont assez nombreux et on en capture régulièrement. Ils peuvent menacer les oiseaux pris dans les filets mais comme ils sont natifs de l’île on se contente de les déporter de l’autre côté d’Heuksando.

Oh... La jolie marmotte!

Je me dois de remercier chaleureusement Aurélie d’avoir insisté pour que je joigne mes photos naturalistes à mes divers mails de candidatures à des projets de conservation. C’est un peu grâce à ces photos que j’ai été recruté. En effet un boulot très important, que m’a confié le directeur du centre, est de prendre un maximum de photos durant mon séjour. Bien entendu je ne dois pas le faire juste pour mon bon plaisir et ces photos servent un dessein grandiose! Certainement le boulot dont je suis le plus fier ici! Une grande première qui n’aurait jamais vu le jour sans l’aide efficace et oh combien appréciée du papa de Ciloo, que je remercie également de tout cœur. Grâce à ses judicieux conseils et son super site (http://lesh.fr.nf/joomla15_test/index.php) j’ai entrepris la création d’un site internet pour le centre! Il reste encore beaucoup à faire mais voici le résultat:

http://migratorybirdscenter.free-h.net

Vos suggestions, conseils et critiques seront fortement appréciés, essayez juste d’être plus productif que « C’est d’la merde… », merci!

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Lost in translation.

2 novembre

Après vous avoir présenté mon lieu de travail, je ne peux pas vous parler boulot sans vous présenter mes collègues. Ils sont aussi extraordinaires que l’endroit où je me trouve mais m’expose à nouveau à un problème récurent de ce voyage: la communication.

Ils baragouinent presque tous quelques mots d’anglais, mais juste assez pour pouvoir bosser un minimum ensemble, et souvent pas assez pour qu’on puisse papoter de la pluie et du beau temps… Pour commencer je dois vous présenter celle qui parle le mieux anglais et sans qui je serais peut-être déjà repartit:

Hyun-Young Nam.

Elle se débrouille plutôt bien dans la langue de Shakespeare et est chercheuse au centre depuis trois ans. C’est un peu elle qui me tient au courant de ce qui se passe autour de moi. Par exemple lorsqu’elle est rentrée de son dernier week-end, elle est venue me voir pour me demander:

« Alors comme ça, hier, vous avez recapturé une calliope sibérienne baguée au Japon? »

« Ah bon? »

… Lorsqu’elle est là je ne la lâche pas d’une semelle…

Sung-Jin Kim.

Lui c’est un peu le rigolo de la bande. Il passe son temps à se marrer. Au début j’étais un peu frustré de ne pas comprendre ce qu’il racontait à tout le monde mais depuis que j’ai réalisé qu’il suffisait que je lui dis « bonjour » pour qu’il rigole, je m’en fais un peu moins. Il est chercheur au centre depuis cinq ans. Normalement un de mes jobs ici est de filer un coup de main au bagueur, mais Kim préfère bosser seul avec sa femme en général…

Ogura Takeshi.

Lui c’est l’archétype du chef bagueur geek, associable et amoureux de son travail. C’est un fantôme. J’ai essayé de lui filer un coup de main au début mais il part visiter les filets en courant, sans prévenir personne, et s’enferme dans la salle de baguage tout seul. Si on est plus d’une personne dans la salle avec lui pendant qu’il bague, il commence à être désagréable… Les seules fois où j’ai vraiment pu l’aider c’était lors des pics de migrations. Il avait besoin d’aide pour finir aux plus vite ses oiseaux avant de repartir en courant dans les filets. Lorsqu’il n’est pas en train de baguer ou de compter, il est derrière son ordi. Ogura-San est japonnais, ça fait au moins trois ans qu’il travaille au centre, et il s’était déjà rendu plusieurs fois en Corée avant d’y travailler. Il ne parle ni coréen ni anglais… Ce qui explique encore un petit peu plus son comportement… Le seul avec qui il peut un petit peu parler c’est notre, rarement présent, patron, qui parle plutôt bien japonnais. Comme la plupart des gens il refuse d’admettre qu’il ne sait pas, ou ne comprend pas quelque chose. Il me répond donc tout le temps « Oui », quelque soit la question…

« Tiens! C’est quoi cet oiseau? »

« Oui »… Je vous assure qu’à la longue c’est insupportable et, malheureusement, ça m’incite de moins en moins à poser des questions.

Enfin voilà, Ogura-San est un excellent ornithologue et est capable de vous reconnaître un oiseau en mue, en vol à contre-jour et à quatre-cent mètre de distance dans la seconde…

Les bagueurs ne baguent jamais seuls (sauf exception que je viens de citer) et les nombreux autres employés du centre filent des coups de main.

Lee-Ji Eun.

Elle est la femme de Kim. Elle travaille depuis mars dernier comme animatrice nature au centre. Lorsque son mari est de corvée de baguage, elle l’assiste pour en apprendre un peu plus sur les emplumés. Elle est adorable et je pense qu’elle parle très bien anglais, mais elle est super timide.

Seul-Gi Seo.

Chercheuse au centre depuis un an elle déborde d’énergie! Pendant la saison de reproduction elle étudie les guillemots à cou blanc et les puffins leucomèles qui nichent sur quelques ilots du Parc National. Le reste du temps elle est chargée des comptages, de boulots administratifs et de filer un coups de main aux bagueurs. Elle ne parle pas super bien anglais mais est l’une des rares à faire des efforts.

Sook-Young Cho est chercheuse au centre depuis trois ans, elle ne bague pas encore toute seule mais ça ne saurait tarder (je n’ai pas encore de chouette photo alors vous attendrez). Elle est un peu discrète mais super sympa. Elle fait aussi quelques efforts pour me parler mais à le pire accent coréen de toute la bande. L’accent coréen est le plus incompréhensible que je connaisse à ce jour. Les coréens semble ne pas être capable de finir un mot sans prononcer une voyelle. De plus, certaines de nos consonnes semblent leur être totalement inaccessible, comme le « f » ou le « v ». Rien que pour compter c’est horrible « five » devient « Païbeuh »…

Chang-Wook Park.

Il est animateur nature au centre depuis trois ans mais file un coup de main au bagueur le reste du temps. Il ne parle pas très bien anglais mais semble apprécier ma compagnie. Il m’emmène dans chacune de ses excursions. Je crois qu’on a un peu la même façon de bosser, on ne se prend pas trop la tête avec les protocoles. Par exemple lorsque j’observe un oiseau et qu’il vient de disparaître derrière un bosquet, mes autres collègues diraient « Tant pis, il n’est plus dans le site de référence ». Park lui il me répond « Et si on allait voir ce qu’il y a dans ce bosquet ». Il avait un peu perdu la frite ces derniers jours, suite à un décès dans sa famille. Mais je me suis imposé dans sa voiture il y a peu et depuis on fait un concours de qui réussira les plus belles photos d’alouettes.

Gil-Pyo Hong est le doyen du bureau, il y travaille depuis sa création en 2005. Pourtant il n’est chargé que des questions administratives et des commandes de fournitures. Il passe ses journées derrière son ordi. Cela dit quand on a des doutes sur l’identification d’un oiseau, c’est lui qu’on appelle et il a le dernier mot. Il parle bien anglais et il m’aime bien (comme tout le monde ici). Depuis que je suis arrivé il n’arrête pas de me commander des vêtements de ranger. J’ai même un chapeau ET une casquette du parc national! Les autres sont jaloux…

Hee-Jong Kim.

Lui c’était le personnage le plus singulier du centre. Au début j’ai pensé que je ne lui parlerais jamais. Ses premiers mots ont été « Je ne parle pas anglais », il était le seul a ne pas baguer et lorsqu’il sortait de la clinique c’était pour faire mumuse avec sa buse. Dois-je préciser qu’il est vétérinaire? Mais à force d’insister je me suis rendu compte, et lui aussi, qu’il était probablement le plus bilingue du centre! Humour noir, je m’en foutisme et buse apprivoisé, on s’est très vite bien entendu. Le plus étonnant a été de découvrir que, hors du bureau, Kim était Monsieur « Ambiance en soirée ». Le soju le transformait en quelqu’un qui aurait très bien pu postuler à un poste de barman au Petit-Jailly! Il m’a offert la seule soirée pendant laquelle un type s’amuse à retirer les fils des points de sutures post-castration de son chat… Les deux Kim formaient une équipe du tonnerre. Mais si je parle de lui au passé c’est parce qu’il a quitté le centre la semaine dernière pour un nouveau poste dans un refuge sur le continent. Il y a quand même des chances que je passe y faire un tour…

Vous noterez que cela fait maintenant trois articles que je rédige au sujet de ce centre, et je n’ai toujours pas vraiment parlé d’oiseaux! Je fais des efforts!

Mais ça ne va pas durer...


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Insulaire toi même!

24 octobre

 

Il est temps que je vous parle de l’endroit tout pourri où je vis: le Parc National de Dadohae Haesang.

On a bien cherché, il n'y a pas de Mc Do'.

Oubliez la cabane kiwie sur Ulva, où on s’entassaient à cinq dans la même pièce en bois. Le campement roumain sans eau ni électricité me paraît lui aussi bien loin. Je travaille désormais au sein du très moderne Migratry Birds Center. J’ai mon propre bureau, on bague dans une pièce super équipée et ce qui devait être une chambre se révèle être un appartement avec écran plat et coin cuisine!

J'ai même ma propre salle de bain! Fini les baignades en mer.

J’ai beau dormir à trois minutes quarante-sept de marche de la plage (j’ai chronométré), il fait un peu froid et l’eau et vraiment sale. Concernant le coin cuisine, je dois avouer qu’il ne m’a pas encore servi. Vu que j’ai une cantine avec une fantastique cuisinière! Je mange coréen à tous les repas. Manger en Corée c’est assez spécial pour que je vous fasse un petit topo.

Les couverts sont très souvent en métal, ce qui dans le cas des baguettes est vraiment pénible. Et ça fait un boucan d’enfer. L’explication qu’on m’a donné c’est que, par le passé, certains rois exigeaient des couverts en argent. Parceque l’argent s’oxyde au contact de nombreux poisons. Pour se la péter, des gens du petit peuple (les 99%) se sont mis à faire de même. Avec de l’étain parce que quand même. Autre particularité, un plat coréen et toujours agrémenté d’une myriade de petits en-cas. Vous avez votre plat principal, de poisson cru ou bouilli en général, un bol de riz et tout un paquet de petites assiettes contenants divers légumes peu cuit. Le tout étant copieusement épicé. Et puis il y a les pauses sashimis…

La petite bouteille c'est du soju.

Au Kirghizstan ils ont le thé, en Corée c’est les sashimis. À chaque fois que j’ai accepté une invitation à des sashimis, je suis ressorti saoul. Et ici les sashimis c’est partout. Lorsque je me suis promené dans les rues de Séoul en arrivant, j’ai d’abord pensé que les coréens étaient tous des aquariophiles en puissance. Les devantures de restaurants sont cachés par de très nombreux aquariums. À côté de chez Kate il y en a même un qui contenait des fugus! Bref si vous voulez vous cogner le cerveau avec des copains en Corée c’est facile. Vous sortez dans la rue, vous choisissez votre poisson dans un aquarium, vous l’écaillez, vous le coupez en morceau, et c’est partit!

Analyse gustative de solutions alcoolisées.

Et pour picoler, les coréens picolent. Ils sont certainement parmi les plus friands d’alcool que j’ai pu rencontrer. Il n’est absolument pas rare de tomber sur un coréen ivre où que ce soit et à quelque heure du jour ou de la nuit. Les coréens boivent beaucoup et ils boivent n’importe comment… Dans une soirée type, si j’ai de la chance de trouver de la bière, il n’y a pas deux cannettes identiques. On dirait que pour qu’une soirée soit réussie, il faut que vous y trouviez tous les alcools forts de la planète et bien sûr, les avoir tous gouté… Les alcools locaux sont des liqueurs à base de riz contenant de 20% à 40% d’alcool, dont le fameux soju. Bien que très gentil au niveau de la sobriété, ce breuvage me colle les pires veisalgies que j’ai jamais connu!

Voilà pour le topo.

Revenons en au Parc National. Comme je vous l’avais déjà dit, le Migratory Birds Center se trouve sur l’île d’Heuksando (qui compte au moins un bar) mais jusqu’à l’an dernier, le centre se trouvait sur l’île de Hongdo.

Toute aussi moche.

Je m’y suis rendu avec Ogura-San pour une petite journée de baguage. L’île est très célèbre pour avoir vu passer au moins soixante-quinze pour cent des espèces d’oiseaux répertoriées en Corée. De nombreuses espèces coréennes ont été vu pour la première fois sur cette île, comme par exemple (je ris) le rouge-gorge ou le moineau domestique… Rien d’aussi exotique quand je m’y suis rendu, juste les bruants masqués habituels et un ennuyeux pygargue à queue blanche. L’ancien bureau du centre m’a bien fait rigolé car il ressemblait déjà plus à ce que je connaissais dans le genre. J’ai bien fait de ne pas venir l’année dernière! Désormais seules deux personnes travaillent quotidiennement pour le centre sur cette île.

Une autre île que je suis allé visité c’est Jangdo.

C'est peut être ici que je vais pouvoir tenter mon bâteau-stop?

On trouve sur cette île une très curieuse zone humide. Elle se situe sur une sorte de plateau à mis chemin du sommet de l’île. Sa spécificité et son importance pour de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs ont incité les autorités à la classer site RAMSAR. C’est le seul site de nidification connu en Corée pour les bulbuls de Chine. Je sais vous vous en cognez mais leur nom me fait marrer et je voulais qu’ils soient sur mon blog.

Enfin voilà je réserve les histoires de boulot pour plus tard.

Et tant pis pour petit grèbe qui prend son bain!

 

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Au boulot!

16 octobre

Neuf heure du matin à la station de train de Gwangmyeong (광명) dans la banlieue Sud de Séoul. Un japonais, ses jumelles encore accrochées au cou, et une coréenne, une longue vue dépassant du sac, montent dans mon wagon. Ogura San sort six cannettes de Guinness de son sac et les pose sur ma table tandis que Hyun-Young me gratifie d’un souriant et chaleureux « Welcome in Korea! ». Le trajet en train passe à toute vitesse à travers les discussions plumeuses et je m’extasie sur mes premiers puffins leucomèle à bord du ferry qui m’amène sur l’île d’Heuksando (흑산도). Du port, cinq minutes en voiture m’amèneront au Centre des oiseaux migrateurs où je suis accueilli par la mascotte 하늘 (« Haneul »?).

Attention chien à plumes!

하늘est une jeune buse qui a été retrouvée l’an dernier par les employés du centre avec une aile cassée. Cette aile n’a jamais guéri et le bel oiseau ne reprendra jamais son envol. Par conséquent elle est chouchoutée et sert d’ambassadrice des causes duveteuses.

Mais avant d’en arriver là j’ai envie de revenir sur mon dernier week-end à Séoul. Kate m’avait abandonné pour se rendre à un festival avec deux amies. Du coup j’ai dû me trouver un hôte via http://www.couchsurfing.org. Comme d’habitude je suis tombé sur quelqu’un de super. Apéro dans son studio de répét’, bouffe locale et DJ silencieux. Un concept génial! Un DJ mixe dans un jardin publique mais on n’entend pas un bruit. Pourtant toute une foule de gens se trémousse devant les platines. L’explication: Des casques sans fils sont disponibles en libre service. Lorsque vous les portez vous pouvez entendre la musique que mixe le DJ.

La solution élégante aux problèmes de tapage nocturne.

Lorsque vous avez visité dans la même année les Philippines, la Chine et la Corée du Sud, vous ne pouvez pas passer à côté d’un épisode historique qui a traumatisé une bonne partie de l’Asie: l’occupation japonaise du début du XXème siècle. À mon humble avis si les nazis passent pour les plus grands bouchers de l’histoire contemporaine c’est surtout parcequ’ils se sont attaqués à des européens et qu’ils ont tenu des comptes… Cette période noire de l’histoire de l’extrême Orient fût constellée d’horreurs inimaginables. La Corée fût certainement l’un des pays qui en souffrit le plus car elle fût totalement annexée à l’empire japonnais qui tenta de détruire toute forme d’identité nationale pendant son occupation. Aujourd’hui encore cette période est vive dans la mémoire des coréens car elle est considérée comme directement responsable de la dévastatrice séparation qui frappe un pays qui fût parmi les plus vieux du monde.

Pour m’infliger un grand coup dans les tripes je me suis rendu dans l’ancienne prison de Seodaemun (서대문 형무소). J’ai très vite eu le sentiment d’être de retour à Auschwitz…

Et pas seulement à cause de l'architecture...

C’est entre ces murs que furent torturés et exécutés de nombreux résistants à l’occupation nippone.

Après ça, un petit tour vers une île paradisiaque était le bienvenu.

Tout ça paraît si loin vu d'ici...

L’île d’Heuksando se situe dans le Parc National de Dadohae Haesang. Un parc marin regroupant plusieurs îles de tailles variées, habitées ou non, au Sud-Ouest de la Corée du Sud. La mienne fait presque vingt kilomètre carrés, culmine à quatre cent mètre d’altitude et héberge plus de trois mille habitants. Elle est aussi très célèbre pour son rôle comme halte migratoire sur le couloir de migration australo-est-asiatique. Et là j’en entend hurler « Non! Pas encore le couloir de migration australo-est-asiatique! ». Et bien si! Tout le monde se souvient de mon excellent article concernant l’intervention de Ken Gosbell à Miranda, les barges rousses des Catlins et mon seul volontariat aux Philippines.

Le dénominateur commun.

Je travaille ici au sein du Centre des Oiseaux Migrateurs, une organisation super high-tech gérée par l’office des Parcs Nationaux, employant une douzaine de personnes et entièrement dédiée à l’étude de la migration des oiseaux coréens. Bien entendu vous vous doutez bien de ce que va être mon occupation principale ici.

Ça commence par un « B ».

Je prendrais le temps de vous parlez de ça plus en détail bientôt mais rassurez vous, il se passe plein d’autres choses ici, et si vous êtes sage je vous raconterez peut-être mes débuts de soigneur…

Daktari.


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Teacher!

8 octobre

 

Ah la la les copains que d’émotions! Mon blog est en train de vivre un moment historique! Celle que vous avez découvert en même temps que moi à travers mes tout premiers articles fait son grand retour! Après l’extraordinaire exploit de m’avoir supporté tout les jours pendant trois mois en Namibie, elle m’a vu squatter son canapé à plusieurs reprises ces derniers jours.

Tadaaaaaaam!

Et oui je n’ai pas choisi la Corée du Sud par hasard. Kate y est professeur d’anglais dans une école privée depuis environ six mois. Un boulot qui n’a pas l’air de tout repos à en croire les leçons de coréens qu’elle m’a enseigné:

내가 널 죽여 버릴거야! Ça veut dire « Je vais te tuer! ».

-Quoi? Mais comment tu sais ça?

-Oh c’est ce que me répètent tout le temps les enfants…

-…

Kate m’a servi de guide dans les rues de Séoul (서울) pour les débuts de mon acclimatation à ce bien étrange pays. Globalement on a l’impression d’être dans une Chine qui voudrait se donner l’air américaine… Une des premières choses que m’a annoncé Kate à mon arrivé fût « Tu vas voir c’est horrible! Personne ne parle anglais! ». Un avis que je n’ai pas vraiment partagé et je prend un plaisir fou à demander mon chemin à tout le monde ou a rentrer dans n’importe quel magasin pour m’entendre dire « Hello! How are you? ». Et bien que mon impression soit probablement faussée par quatre mois de Kirghizstan et de Chine je ne serais pas étonné qu’il y ait plus d’anglophones en Corée du Sud qu’en France…

Par contre le pays pêche du côté de l’écriture. En Chine, la plupart des panneaux sont sous-titrés en pinyin, une sorte de transcription en alphabet latin de chaque pictogramme. Ça ne permet pas de comprendre le sens des mots mais ça permet de savoir comment se prononce un lieu ou un plat. Pas de ça en Corée, tout est écrit en hangeul… Un alphabet bien plus simple que le système de pictogrammes chinois mais quand même plus compliqué que le cyrillique.

En dehors de ça le pays est très très occidentalisé, ce qui rend certaines particularités encore plus surprenantes. Il n’est pas possible pour un visiteur étranger d’avoir de numéro de téléphone portable et on ne trouve pas de toilettes dans les bars ou les restaurants. Par contre tous les halls d’immeubles sont équipés de toilettes publiques. Les taxis ont une petite télévision à côté de leurs écrans GPS pour regarder les matchs de foot en conduisant et les chauffeurs de bus sont payés au nombre de trajets. Bien entendu tout le monde téléphone en conduisant et plus de trente pour cent des morts dans des accidents de la route à Séoul sont des piétons. J’entends d’ici les énervés du volant me rétorquer « Mais ça n’a rien à voir! Si t’es un bon conducteur tu peux parfaitement griller des feux rouges tout en engueulant l’arbitre et téléphonant à ton ex sans faire de mal à qui que ce soit! Et qu’est ce qui te dit qu’ils n’étaient pas eux aussi au téléphone, les trente pour cent de piétons, hein? ». Je fais tout de même particulièrement attention avant de traverser…

Le boulot de Kate avait l’air de l’énerver assez pour que je n’ai pas envi d’être chez elle à la fin de sa journée. J’ai donc passé ma semaine à faire le touriste. La Corée du Sud n’est pas une destination très touristique et je sais que je ne me ferais pas engueuler à mon retour si je ne suis pas allé à tel ou tel endroit. Par contre il y en a un que je n’aurais rater pour rien au monde c’est le parc d’Haesidang (해신당 공원) appelé en anglais « Penis park ».

Dois je vraiment traduire en français?

Un endroit merveilleux qui servit de théâtre à différents concours de sculpture de zigounettes. Malheureusement les chrétiens du coin ont décidé de jouer les rabats joie en mettant fin aux festivités et demandant le démantèlement des nombreuses représentations phalliques présentent dans le village voisin de Sinnam. D’où vient donc cette fascination des habitants de la région pour la bistouquette? La réponse se trouve dans le super musée planté au milieu du parc. Après une exposition très intéressante axée sur les techniques de pêche du coin on passe une porte encadrée de deux immenses verges. La suite de la visite prend alors une toute autre tournure et dans une pièce pleines de figurines et de sculptures dédiés au sexe on vous raconte la légende à l’origine de la frénésie locale autour des zizis. Cette légende raconte qu’un homme aurait déposé sa fiancée sur un petit rocher au large de la côte pour qu’elle y récolte des algues. Alors qu’il était retourné à terre, un énorme orage l’empêcha de reprendre la mer, tandis que la marée emportait sa dulcinée. Depuis ce jour les poissons se firent de plus en plus rares et tout le monde accusa le fantôme de la noyée dans être la cause. Or un jour un pêcheur ne pût retenir une envie pressante et urina vers la mer avant de partir pêcher. Il revint avec des filets débordant de poissons. Depuis ce jours, plus vous exposez votre quéquette à l’océan et plus votre pêche sera fructueuse. Et recouvrir votre maison ou votre jardin d’immenses chibres en bois vous assurera bonne fortune. En dehors de cette légende, les représentations sexuelles semblent avoir eu une importance considérable dans le passé coréen. La visite de se site qui fera chuter le niveau de bon goût de mon blog au plus bas fût malgré tout, très enrichissante culturellement.

Et vous noterez que je n'ai pas utilisé une seule fois le mot « bite »!

La côte Est ne regorge pas seulement de richesses culturelles, on y trouve aussi un superbe parc national, celui de Seoraksan (설악산). La randonnée est certainement la pratique sportive préférée des coréens. Où que vous vous trouviez à Séoul vous verrez des gens habillés en tenues de rando, bâtons de marche à la main. Les magasins d’équipement de randonnée sont partout. La capitale est constellée de collines boisée que les habitants aiment à parcourir. Par contre, si marcher en Chine est le meilleur moyen d’éviter de rencontrer quelqu’un, en Corée c’est tout l’inverse. Où que vous vous trouviez vous croiserez au moins un coréen qui aura acheté jusqu’à son sandwich dans un magasin de sport et à la ceinture duquel pend un iPhone crachant de la musique K-pop. Après plusieurs journées de balades dans mon parc et ses environs, Kate m’y retrouva pour une randonnée en direction d’une petite grotte aménagée en minuscule temple bouddhique.

Ils n'ont pas choisi le coin le plus moche...

Après ça je suis allé me perdre dans le parc national de Woraksan (월악산), beaucoup plus tranquille et tout aussi splendide. J’ai fini ma promenade campagnarde par la visite d’une petite grotte sans prétentions dont tout le charme résidait dans la simplicité des aménagements et la convivialité des employés. Puis j’ai remis le cap vers la capitale pour une dernière promenade avec Kate avant d’aller m’isoler sur une île pour mes prochaines aventures.

En pure bande-annonce de ce que vous allez déguster en matière de bestioles et pour compenser leur absence lors de mes récits chinois, voici un premier échantillons des créatures que j’ai pu découvrir en Corée:

Le tamia de Sibérie, ou écureuil de Corée. Une de ces créatures repoussantes qui n'auraient pas le droit d'exister dans un monde parfait...

Le pic kisuki que je trouve trop mignon.

Le pouillot à grands sourcils pour les collègues roumains.

Et la bergeronnette du Japon pour Aurélie!


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